Thérapie en ligne : 10 préjugés sur le psychologue en ligne
By: Jessica Zecchini
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Thérapie en ligne : 10 préjugés sur le psychologue en ligne
Quels sont les préjugés sur la thérapie en ligne et que dit la recherche à ce sujet ? Qu’est-ce qui empêche les personnes de s’adresser à un psychologue en ligne ? Quels sont les 10 préjugés les plus fréquents auxquels un psychologue en ligne doit faire face dans sa pratique clinique ?
La thérapie en ligne est une frontière encore largement à explorer. Beaucoup de personnes s’en approchent par simple curiosité ou par esprit d’initiative, souhaitant expérimenter une manière alternative de faire de la thérapie, qui s’écarte de la conviction collective selon laquelle le psychologue n’exercerait que dans son cabinet. L’avantage d’une thérapie en ligne est qu’on peut la suivre confortablement depuis chez soi, sans se déplacer, et obtenir les mêmes résultats que ceux que l’on aurait en se rendant dans le cabinet d’un psychologue. Dans ma pratique clinique, il m’est arrivé à de nombreuses reprises de devoir me confronter à certains préjugés exprimés par des usagers, partagés entre le désir d’essayer et la peur que la méthode ne soit pas efficace et ne puisse remplacer un parcours thérapeutique avec un psychologue en présentiel.
L’intérêt du public pour ce type d’interventions et la propension, parfois ambivalente, des personnes à s’y orienter ont également fait l’objet de recherches scientifiques¹, dans lesquelles on observe de manière constante que ce type d’approche est en rapide expansion. Entrons maintenant dans le détail et voyons quels sont les 10 préjugés que j’ai retrouvés le plus fréquemment dans ma pratique clinique de psychologue en ligne.
Les 10 préjugés sur la thérapie en ligne
Combien de fois arrive-t-il de devoir faire un pas de plus et sortir de sa zone de confort pour pouvoir vivre de nouvelles expériences ? Mais chaque fois qu’une nouvelle expérience se présente et devient une invitation à se lancer pour découvrir de nouvelles méthodes, des peurs commencent à émerger, capables de bloquer et de faire perdre cette vitalité si importante dans ce voyage expérientiel qu’est la vie.
C’est précisément ainsi que surgissent les premiers préjugés, qui empêchent de faire ce pas évolutif supplémentaire. Depuis quelques années, je m’occupe de consultations psychologiques en ligne et de parcours courts de thérapie en ligne. Ce qui est intéressant, c’est que, dans mon activité clinique de psychologue en ligne, j’ai dû faire face à 10 préjugés que j’ai retrouvés avec une plus grande fréquence à propos de la thérapie en ligne. Je saisis donc l’occasion d’y répondre de manière exhaustive et de clarifier d’éventuels doutes chez celles et ceux qui seraient intéressés par la méthode en ligne mais qui ont encore des réserves.
1. « Le psychologue peut m’aider seulement dans son cabinet »
Il existe souvent la conviction qu’un psychologue ne peut aider que s’il reçoit dans son cabinet. En décembre 2012, en comparant les résultats de toutes les recherches qui s’étaient penchées sur l’évaluation de l’efficacité de la consultation psychologique en ligne (avant cette date, 1100 recherches avaient été publiées dans ce domaine), il a été démontré que, menée de manière rigoureuse et selon les directives d’un thérapeute expérimenté, elle peut être extrêmement efficace non seulement dans les cas de dépression et de troubles anxieux, mais aussi dans le traitement des dépendances au jeu pathologique, de la phobie sociale et dans la prise en charge de certaines dysfonctions sexuelles.
En particulier, les recherches menées dans ce domaine dans de nombreuses universités à travers le monde ont montré qu’entreprendre un parcours de thérapie en ligne pour résoudre un trouble peut avoir la même efficacité qu’une thérapie menée dans le cabinet d’un psychologue et que, dans la majorité des cas traités, elle a montré des effets d’amélioration de la qualité de vie de la personne sur le long terme.
La thérapie en ligne est considérée, au même titre qu’un parcours thérapeutique mené dans le cabinet d’un psychothérapeute, comme un véritable parcours de croissance personnelle pour mieux se connaître. Le travail sur les relations, les ressources personnelles, les stratégies cognitives et/ou comportementales et la relecture du malaise personnel dans une perspective systémique constituent un moyen de restituer de nouveaux sens à la personne et à sa souffrance, et d’expérimenter de nouvelles stratégies personnelles afin de lever les blocages psychologiques.
2. « Il est impossible de recréer en ligne une alliance thérapeutique dans la relation de soin entre thérapeute et patient »
L’alliance thérapeutique est définie comme une relation entre le thérapeute et le patient fondée sur une syntonisation émotionnelle utile au soin et au travail visant l’atteinte des objectifs thérapeutiques. Selon Bordin², l’alliance thérapeutique est constituée de trois composantes :
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le partage explicite des objectifs par le patient et le thérapeute ;
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la définition claire des tâches réciproques au début du traitement ;
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le type de lien affectif qui se constitue entre les deux, caractérisé par la confiance et le respect.
Cette relation entre le patient et le thérapeute est le critère principal de la réussite d’une intervention thérapeutique.
Plusieurs études empiriques ont confirmé le potentiel des services en ligne pour accroître l’accessibilité à l’assistance psychologique. Ces services peuvent également être utilisés par des personnes à mobilité réduite, soumises à des contraintes temporelles diverses, comme celles qui vivent dans des lieux difficiles d’accès, plus isolés ou où l’offre de services est limitée, celles qui, pour des raisons professionnelles, disposent de peu de temps ou sont contraintes de voyager et de se déplacer dans des pays où elles ne consulteraient pas un professionnel de la santé mentale en raison de barrières linguistiques, ainsi que les personnes en situation de handicap et leurs proches aidants (caregivers).
Par ailleurs, certaines personnes craignent d’être stigmatisées pour avoir recours à certains services et pourraient surmonter la honte en demandant une consultation en ligne. Un autre groupe de patients qui peut être facilement touché par les services de e-health en ligne est constitué des adolescents qui s’isolent et ne veulent plus aller à l’école. Comme on peut le constater, il existe différentes catégories de personnes auxquelles le service de thérapie en ligne peut s’adresser.
À ce jour, la littérature scientifique met à disposition plusieurs études axées sur l’analyse de l’alliance thérapeutique dans les interventions en ligne, menées principalement auprès de personnes présentant des troubles de l’humeur tels que l’anxiété, la dépression ou le trouble de stress post-traumatique, en analysant différentes modalités d’intervention en ligne³⁻⁴. Ces études n’ont pas mis en évidence de différences significatives dans le développement de l’alliance thérapeutique entre les approches en ligne et celles en face à face⁵.
L’alliance thérapeutique est un aspect qui nécessite encore d’être approfondi, notamment en fonction des typologies spécifiques d’interventions en ligne et des approches thérapeutiques, chacune présentant des particularités⁶. Les données issues d’une étude menée selon une approche cognitivo-comportementale ont confirmé l’efficacité de l’intervention indépendamment de l’alliance thérapeutique qui se met néanmoins en place, tout en apportant encore peu de clarté sur le lien entre cette efficacité et l’alliance thérapeutique dans ce nouveau setting. Les auteurs concluent que, dans le setting étudié, l’alliance thérapeutique dans les thérapies en ligne pourrait jouer un rôle moins déterminant que dans les settings thérapeutiques traditionnels, posant ainsi la question de l’identification du facteur additionnel garantissant l’efficacité de la thérapie en ligne⁷.
3. « Un psychologue en ligne est-il capable de m’écouter ou de comprendre ce que je ressens si je ne lui serre pas la main ou si je ne le rencontre pas en personne ? »
Il semble exister la conviction que, sans connaître le psychologue ou sans lui serrer la main en personne, il ne serait pas possible d’instaurer cette relation de confiance et de respect si importante pour la réussite d’un processus thérapeutique. En réalité, le psychologue en ligne est un professionnel qui doit adapter ses outils théoriques et conceptuels au média technologique, et il y parvient en recréant ce climat de confiance, d’écoute et de compréhension. Comme l’indiquent les études empiriques, l’intervention guidée semble être la méthode de choix pour établir une bonne alliance thérapeutique capable de rendre efficace une intervention thérapeutique en ligne, en l’assimilant à une intervention menée dans le cabinet d’un professionnel. Une méta-analyse⁸ a mis en évidence le rôle clé du soutien du thérapeute dans le traitement en ligne de la dépression et des troubles anxieux. En effet, il a été constaté que les traitements guidés réduisent significativement les symptômes dépressifs et anxieux, contrairement aux traitements non guidés.
4. « Il vaut mieux demander de l’aide à un ami qu’à un psychologue en ligne »
Beaucoup trouveront cette affirmation étrange. Pourtant, il m’est arrivé de la recevoir à quelques occasions comme une provocation. Surtout lorsqu’une méthode est nouvelle, elle est d’abord attaquée par la méfiance commune. Nous sommes des êtres d’habitudes et nous avons du mal à accueillir le changement. Il est clair qu’un ami peut également posséder une excellente capacité d’écoute, mais l’intervention d’un thérapeute ne se fonde pas uniquement sur l’écoute : elle repose sur une série d’outils théoriques et pratiques utilisés ad hoc et ad personam pour éliminer les blocages, les comportements dysfonctionnels, les perceptions cognitives erronées, les dysfonctions relationnelles et pour améliorer la gestion des états émotionnels.
5. « Si j’envoie un e-mail ou une demande de consultation psychologique en ligne, je ne suis pas sûr de recevoir une réponse ou qu’il y ait une réelle intention d’aider »
Dans mon expérience clinique, lorsque je reçois une demande de consultation psychologique en ligne par e-mail, j’ai toujours essayé de répondre dans les 24 premières heures. Je précise toujours dans l’e-mail qu’il est utile que le premier contact soit téléphonique et je demande de laisser un numéro de téléphone joignable. La demande d’aide adressée à un psychologue en ligne ne devrait jamais rester sans réponse au-delà des 24 heures, précisément en raison de la plus grande accessibilité et de la rapidité du média technologique. Le rendez-vous pour la première consultation psychologique en ligne devrait être fixé immédiatement. Les personnes qui s’adressent à un psychologue en ligne demandent généralement une intervention rapide et immédiate, ce qui distingue ce recours de la consultation d’un professionnel de la santé mentale dans son cabinet, où une latence temporelle physiologique est communément acceptée.
6. « Est-il vrai que la consultation psychologique en ligne ne dure qu’une seule séance ? »
La consultation psychologique en ligne est un premier entretien d’orientation, qui permet de reconstruire l’histoire du problème et les motivations de la demande d’aide à ce moment précis, et au cours duquel sont définis les objectifs thérapeutiques sur lesquels sera construit un projet thérapeutique. Après le premier entretien, si la personne souhaite continuer, un parcours de thérapie en ligne commence, structuré autour de micro-objectifs jusqu’à l’atteinte du macro-objectif final, au moyen d’une série de rencontres que le thérapeute peut déjà définir et convenir lors de l’élaboration du projet thérapeutique, lequel sera transmis par e-mail à la personne. Ce document explique la méthode de travail et les outils thérapeutiques qui seront utilisés.
7. « Qui se cache derrière ces réponses ou derrière cette vidéo ? »
Dans mon expérience de thérapeute en ligne, j’ai constaté que recontacter la personne uniquement par e-mail, bien que cela puisse sembler sérieux, efficace et professionnel, apparaissait souvent comme froid, alimentait des doutes chez le demandeur et n’apportait pas de réassurances suffisantes. Lorsque j’ai décidé d’établir dès le départ un premier contact téléphonique, en demandant principalement dans l’e-mail de fournir un numéro de téléphone, j’ai commencé à percevoir un changement chez les personnes qui me contactaient : cette approche était perçue comme rassurante. Pouvoir exposer le problème à l’oral et recevoir des réponses en temps réel de la part d’un professionnel de la santé mentale augmentait la propension à entreprendre un premier entretien de consultation psychologique en ligne en visioconférence.
8. « Le respect de ma vie privée sera-t-il garanti ? »
Un psychologue en ligne doit garantir la confidentialité et le respect de la vie privée de la personne qui demande une intervention en ligne, exactement comme il le ferait dans son cabinet. Les séances de thérapie en ligne ne doivent pas être enregistrées et il est important de faire signer un consentement éclairé ainsi qu’un projet thérapeutique, qui doit être préalablement convenu lors du premier entretien de consultation psychologique en ligne. Le psychologue est tenu de conserver les données sensibles dans un dossier personnel sur son ordinateur, lequel doit être protégé par un mot de passe à changer périodiquement.
9. « Y a-t-il une raison pour laquelle la consultation psychologique en ligne est encore peu répandue en Italie ? »
L’intervention psychologique en ligne est aujourd’hui très répandue et en constante croissance dans les pays anglo-saxons et en Europe du Nord, où elle fait également l’objet de recherches scientifiques. En Italie, la consultation psychologique en ligne est encore relativement peu répandue, car il existe traditionnellement une certaine méfiance initiale envers les services en ligne par rapport aux services traditionnels. Il y a dix ans, par exemple, le marché du e-commerce était beaucoup plus développé dans les pays anglo-saxons qu’en Italie ; toutefois, au fil des années, l’utilisation de ces nouveaux canaux s’est également affirmée dans notre pays. La situation évolue aussi pour la thérapie en ligne, et les utilisateurs sont aujourd’hui bien plus nombreux qu’il y a quelques années.
10. « Je ne crois pas au psychologue, alors encore moins au psychologue en ligne »
De nombreux psychologues ont sans doute déjà entendu cette phrase, y compris dans leur cabinet, révélant les nombreux préjugés encore présents dans le sens commun. Certaines personnes pensent encore que le psychologue est réservé aux “fous”. En réalité, je dis toujours que les personnes qui s’adressent à un psychologue sont des personnes saines qui souhaitent faire un pas de plus pour changer leur situation et réorganiser leur vie. Il est étonnant d’entendre encore cette phrase aujourd’hui, surtout lorsque l’on considère que les parcours thérapeutiques sont fondamentalement des parcours de croissance personnelle visant à se recentrer sur ses besoins, à mieux gérer les relations et à se sentir mieux sur le plan émotionnel.
Je me souviens toujours d’un patient qui a franchi le seuil de mon cabinet avec une prémisse pouvant être interprétée comme une sorte de défi : dès la première séance, il m’a révélé qu’il ne croyait pas au psychologue, mais qu’il était là parce qu’il voulait essayer. En quelques séances, il avait déjà changé d’avis : il se sentait mieux émotionnellement, plus compétent pour résoudre ses difficultés relationnelles et professionnelles, et il avait dans le regard une lumière différente, celle de quelqu’un qui avait retrouvé l’espoir de pouvoir mieux gérer sa vie.
Bibliographie
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